Argumentaire
Jacques Pain, récemment disparu, a vécu plusieurs vies. Il a été enseignant en lycée technique, karatéka, “fils de facteur”, compagnon de route de la révolution salvadorienne, romancier, auteur et éditeur d’ouvrages de pédagogie institutionnelle, conférencier international au Japon, à Cuba, au Portugal, au Brésil, en Belgique mais aussi, intervenant local dans des institutions scolaires, sociales, socioculturelles…
Ce numéro de Spécificités, initié par les membres de Crise, École, Terrains sensibles, équipe d’enseignants-chercheurs qu’il a fondée à l’Université Paris Nanterre en 1993, se propose d’évoquer plus particulièrement l’une de ses vies : celle d’universitaire, d’enseignant, de formateur, de chercheur enraciné dans des territoires. Là où se jouaient les relations entre des collectifs et des institutions qu’elles soient judiciaires, scolaires ou socio-éducatives.
Nous savons bien qu’en procédant de la sorte, nous n’abordons qu’une partie seulement d’une existence qui fut riche en réalisations et en rencontres avec des institutions, des collectifs et des individus divers. Mais nous espérons que d’autres écriront et parleront des autres vies de Jacques, en France et à l’étranger. En fait, nous souhaitons publier à partir de ce que nous avons connu directement en travaillant au contact de Jacques Pain à Paris-Nanterre, que ce soit comme collègue, comme membre de son équipe, comme thésard, ou comme associé à l’une de ses recherches ou à l’un des collectifs auxquels il participait.
Au demeurant, du fait de ses positions originales en matière de recherche et de formation et vis-à-vis de l’institution universitaire, d’aucuns pourraient méconnaitre ou sous-estimer son intérêt pour l’université et le rôle qui a été le sien dans le monde académique et dans le fonctionnement de l’Université de Paris-Nanterre. Jacques Pain était perçu par certains de ses collègues comme un marginal. Pour autant ce n’était pas un cow-boy solitaire qui aurait tracé son chemin en ignorant le cadre dans lequel il travaillait. Cela aurait été au rebours de sa pensée de l’institutionnel. Au contraire, rappelons qu’il a siégé très activement au Conseil d’Administration de l’université pendant plusieurs années, qu’Il a dirigé le Service Universitaire de Formation des Maîtres (SUFOM) ainsi que le département des Sciences de l’éducation, qu’il a été membre de la commission disciplinaire de l’Université et l’organisateur de nombreux séminaires transdisciplinaires de son École doctorale de rattachement.
Au niveau des Sciences de l’éducation, Jacques Pain a ouvert des champs de recherches sur des problématiques originales, en phase avec les questions vives de notre temps, telles que : violence, pratique de l’institutionnel, crise à l’école et dans les institutions. Ainsi, il a été l’un des initiateurs des recherches actuelles sur le harcèlement entre jeunes, notamment en faisant connaître en France les travaux sur le « school bullying » de Dan Olweus. Il a accompagné sur la longue durée des professionnels intervenant dans des quartiers prioritaires. Ses travaux ont conjugué des approches variées (recherches qualitatives et quantitatives et recherche-action). Il a constitué et fait vivre une équipe de recherche autour de ces thèmes, encadré des thèses et des HDR, animé un séminaire doctoral, créé des enseignements et des formations.