Séminaire LE CONCEPT D’INSTITUTION dans les pratiques de l’institutionnel
RAPPEL : mercredi 10 novembre 2021 – 17h15-19h30
Séminaire ouvert – à suivre en présentiel ou à distance, en direct :
https://www.youtube.com/channel/UCEAR4BxvMQWOGFLHhQp6_5g
À la recherche de nouvelles stratégies pour déjouer la désinstitutionalisation néolibérale
intervenant : Benjamin Royer
discutant : Jean-François Nordmann
De nombreux courants contestataires et émancipateurs des années 70 dans différents champs (la psychiatrie, l’école, l’université, l’usine, etc.) ont pris comme point de départ de leur réflexion une critique des institutions. Ils voyaient celles-ci comme les lieux de l’exercice d’un pouvoir, fondés sur des savoirs légitimants à l’origine de rapports sociaux de domination. Au cours des décennies qui ont suivi, ces discours critiques qui finissaient par en appeler à la désinstitutionnalisation ont, à notre grand étonnement, rencontré les logiques néolibérales de transformations de l’État et les ont parfois soutenues, voire rendues désirables. Des slogans désaliénistes ou de l’antipsychiatrie tels que « Il faut détruire l’hôpital psychiatrique » ont été récupérés quand il s’est agi de fermer des lits à l’hôpital sans proposer d’alternatives à l’hospitalisation. « Libérer le travail » s’est traduit par une destruction du droit du travail. Plus récemment, ce sont les plateformes comme nouveau modèle économique qui servent de paradigme à une réforme de l’action publique dont l’essentiel vise à rendre acceptable par les populations le retrait des services publics.
François Tosquelles distinguait l’établissement de l’institution, Cornélius Castoriadis, pour sa part, distinguait l’institué déjà-là de l’instituant. Ces auteurs prévoyaient à partir de ces distinctions de subvertir l’institué pour que l’institution demeure le lieu principal de leur agir. Lucien Bonnafé martelait qu’il fallait détruire l’hôpital psychiatrique, il s’empressait néanmoins d’ajouter que c’était pour mieux construire son contraire sur ses ruines.
Nous sommes donc, dans nos pratiques quotidiennes, face à un paradoxe qui est de défendre l’existence même des lieux dont les générations précédentes ont parfois désiré la destruction ou, sinon, dénoncé avec force les effets aliénatoires. Des générations de praticiens nous ont transmis quantité de techniques de transformation et de subversion de ces lieux mais pas grand-chose sur leur sauvegarde.
À partir du travail collectif que nous effectuons dans un secteur de psychiatrie adulte, nous proposerons deux hypothèses de travail pour repenser nos pratiques dans ce contexte de mise en péril de l’institué. La première, sur le terrain juridique, sera l’utilisation du droit pour révéler, mettre en lumière l’institué-encore-là derrière les tentatives néolibérales d’invisibilisation des rapports de domination. La seconde, sur le terrain des pratiques, sera de considérer que cela passe par le fait d’instituer des scènes dans l’espace public, des lieux qui se posent dès leur fondation la question de leurs fonctionnements collectifs aux détours de multiples inventions vivantes du quotidien suivant la logique des communs ou des clubs thérapeutiques.
Benjamin Royer est psychologue clinicien dans le secteur de psychiatrie adulte d’Asnières-sur-Seine. Il s’intéresse à l’histoire de la psychothérapie institutionnelle, à la psychothérapie psychanalytique des psychoses et aux liens de proximité entre néolibéralisme et neurosciences.
Contacts : Bruno Robbes, PU en Sciences de l’éducation, Laboratoire EMA (EA 4507) :
bruno.robbes@cyu.fr